La vie des chefs

Joachim Bendacha, chef pâtissier

13 janvier 2020

« Je n’ai jamais pris la pâtisserie pour un métier. »

 

Joachim Bendacha, est un jeune pâtissier Lyonnais, au CV déjà bien rempli par de beaux passages à côté de très bons chefs comme : Blanc, Faye Pras, etc….

Dédramatiser la pâtisserie avec des pièces ludiques et parfois surprenantes, sans toutefois se démarquer de la haute gastronomie, telle est l’intention de Joachim Bendacha.

C’est avec toute sa gentillesse et simplicité que Joachim a accepté de me rencontrer lors de son passage « 4 mains » au Galibot de Lens avec le Chef Raynald Boucaut en décembre dernier

 

Bonne lecture à vous les gourmands !

 

 

 

Quel est le dernier dessert que tu as fait ?

J’ai fait un dessert autour du pamplemousse, des agrumes de saison et de l’estragon. C’était à la base un essai pour une maison proche de chez moi, dans le Beaujolais. Ça avait beaucoup fonctionné et j’ai voulu le retravailler au Galibot en version un peu plus Bistronomique pour mon 4 mains avec Raynald Boucaut.

 

On va remonter les pendules, où as-tu grandi et qu’aimais-tu manger quand tu étais petit ?

Je viens de la région Lyonnaise, au nord de Lyon, vers Villefrance-sur-Saône.

J’aimais énormément de choses, notamment les fruits que j’allais ramasser les cerises chez ma grand-mère. En plat j’aime beaucoup le gratin dauphinois de ma maman qu’on faisait le dimanche quand tout le monde se rassemblait à table. J’affectionne surtout les bons moments passés avec ma famille plutôt que des plats en particulier.

 

Tu savais déjà en étant petit que tu travaillerais dans la pâtisserie ?

C’est bizarre car je n’ai jamais pris la pâtisserie pour un métier. J’ai un oncle boulanger pâtissier mais au départ je voulais partir dans le littéraire car j’adorais l’histoire et le français. Mais l’école n’était pas faite pour moi… C’est à ce moment-là que je me suis orienté vers la pâtisserie.

J’ai commencé à l’âge de 13/14 ans, les débuts étaient très difficiles parce que je faisais énormément d’heures et je m’investissais beaucoup.

 


C’est ton oncle qui t’a donné cette envie ?

Oui, c’est sa partie sucrée qui m’a plu. Le travail n’avait pas l’air laborieux. J’avais la sensation qu’il faisait des choses très simples et qu’il donnait énormément de plaisir à ses clients.

C’est comme ça que ça m’est venu, j’avais envie de faire plaisir. Je sentais qu’il y avait un lien direct avec ce qu’il faisait.

 

 

 

Si tes desserts devaient parler, qu’est-ce qu’ils dévoileraient sur toi ?

J’aimerais qu’ils dévoilent le parcours, le temps que j’y ai passé. Et surtout, la simplicité. Je trouve qu’en pâtisserie c’est ce qu’il manque un tout petit peu. Et enfin, la franchise.

Quel a été ton parcours, de l’école jusqu’à aujourd’hui ?

J’ai eu un cursus très simple en pâtisserie, j’ai fait un CAP mention complémentaire dans la région Lyonnaise. Après j’ai voulu m’orienter vers la restauration, un secteur que je ne connaissais pas du tout parce que j’étais « pâtissier boutique ».

Je voulais changer d’air, voir ce qu’il se passait ailleurs. Je suis entré chez Georges Blanc à Macon . C’était dur mais j’ai fait des rencontres qui étaient tops !

 

J’essaie toujours d’aller dans des lieux où je n’ai pas pieds parce que je n’aime pas rester dans une routine. Je trouve que notre métier est essentiel parce qu’on peut faire tout ce qu’on veut. On peut aller ou on veut. Je suis parti de la maison Georges Blanc pour aller à Paris, au Crillon, c’était un univers totalement décalé. Il y avait beaucoup de monde en pâtisserie donc il y avait beaucoup de rivalité qui m’a surprise. Mais on se fait sa place.

 

Ensuite j’ai encore changé totalement d’univers, je suis reparti dans une maison très familiale chez Monsieur Marcon. Malheureusement sur Paris c’était de la pâtisserie de Palace donc on était trop sommaires sur les produits. J’ai réappris à aimer le produit, à l’assaisonner correctement, et je faisais très attention aux saisons surtout !

 

Après ça j’ai pris ma première place de chef à Chantilly à l’Auberge du Jeu de Paume avec Monsieur Faye. J’ai adoré parce qu’il a un univers qui est moderne et j’en ai eu vraiment besoin à ce moment-là, j’avais une super équipe, c’était parfait. Très soudée et volontaire, on a fait énormément d’heures et c’était top !

 

Puis j’ai pris ma deuxième place de chef à la maison Lameloise à Chagny, une petite structure assez familiale qui était très compliquée au niveau des horaires mais avec une équipe super agréable.

 

 

Et aujourd’hui ?

Après Lameloise j’ai voulu décompresser un petit peu et j’ai profité d’une année pour faire du consulting et voir beaucoup de choses différentes. Je trouve qu’on reste trop souvent dans nos labos c’est pour cela que je n’hésite pas à faire des quatre mains où à voir ce qu’il se fait ailleurs. J’ai vu beaucoup d’amis, j’ai voyagé et maintenant je recherche une place de chef.

 

« J’essaie toujours d’aller dans des lieux où je n’ai pas pieds parce que je n’aime pas rester dans une routine. « 

 

Quels chefs t’ont marqué dans ton apprentissage ?

Tous mes chefs m’ont réellement marqué, chacun m’a apporté quelque chose.

Je vais dire Monsieur Blanc pour le côté « il n’y a pas d’interdit ».

Monsieur Chaucesse pour sa régularité, sa précision, tout était très linéaire, très ordonné, j’ai adoré même si sur le coup c’était très dur.

Après Monsieur Marcon pour le côté produit, c’était complexe mais il a ramené cette simplicité qui était hors du commun. J’ai adoré, les assiettes étaient très épurées, c’était efficace.

Ensuite, Monsieur Pras m’a donné le côté « chef gestion », gestion d’équipe, management.

Et Monsieur Faye m’a appris que faire du sucré salé n’était pas dérangeant. Tant que l’on met une note ronde dans la bouche du client. Il m’a dit qu’il fallait toujours marquer les goûts et ça m’a beaucoup aidé sur mes desserts.

La passion il en faut dans ce métier, pour ne pas craquer surtout.
Tu l’as toujours eu ?

Oui je l’ai toujours eu, à certains degrés. On va dire qu’il y a des moments où c’était un peu plus compliqué. J’avoue que mon dernier boulot à Lameloise n’était pas simple parce que je ne m’attendais pas à ça dans un 3 étoiles. Je m’attendais à avoir un encadrement, je voulais une ossature plus solide, j’étais livré à moi-même. C’était bien, ça m’a fait avancer sur le court terme c’est certain, sur le long terme également mais je n’ai pas craqué.

Je suis parti à Paris en me disant que j’allais me vautrer, je n’avais pas de logement, on était des numéros en pâtisserie à l’époque. Il y avait beaucoup de CV pour très peu de places et  il fallait se battre tous les jours. Maintenant ça a changé, c’est l’inverse. Grâce à ça on a tous donné dans la même direction, l’équipe était parfaite à ce moment-là.

Craquer ça arrive quand on rentre chez soi et qu’on repense à nos journées, on se dit qu’on peut toujours faire mieux mais j’essaie de couper, c’est vraiment important.

 

Comment tu fais justement pour couper ?

À un moment donné je faisais pas mal de sport, là j’ai un peu arrêté malheureusement. Je sors beaucoup pour manger au restaurant, pour voir des amis. J’essaie toujours d’être en mouvement.

 

Ça t’arrive de ne pas trouver d’inspiration pour créer un dessert ?

Ça arrive énormément. Pour chaque boulot que j’ai fait, j’ai eu le contrat de respecter la saisonnalité et qui dit saisonnalité dit durée parfois très courte.

L’année dernière je me suis fait avoir sur la figue, un produit que j’adore travailler. Cependant il n’y en avait pas beaucoup, je me suis rendu compte que je n’avais que 15 jours. Si vous êtes court sur votre mise en place et que vous devez trouver une conception à travailler autour d’un dessert, c’est déjà compliqué. Il faut que le facteur temps, travail et production soit bien démarqué et il faut que l’équipe soit au top pour pouvoir vous dégager du temps.

 

Il y a déjà eu tellement de desserts faits aujourd’hui. Comment tu fais pour apporter de la nouveauté ?

Je pense que la nouveauté arrive sur le côté « désucré », c’est-à-dire ramener le sucre naturel des produits afin de retrouver cette simplicité qu’on a perdu au fur et à mesure. Je pense qu’il y a des chefs comme Cédric Grolet ou d’autres très bons chefs qui travaillent le produit sans le dénaturer.

La pâte de pistache me marque beaucoup pour ça, on nous vend de la pâte vert fluo et les gens n’ont que cette connotation. Pour eux, si une glace n’est pas verte, ce n’est pas de la pistache. Mais c’est un fruit sec et son goût naturel est monstrueux. Si vous ajoutez du sucre et des colorants ce n’est plus intéressant.

 

Quel geste aimes-tu faire en pâtisserie ?

J’apporte beaucoup d’importance au dressage. On peut mettre 10 pâtissiers différents sur les mêmes éléments, le dressage marquera toujours une personnalité d’une autre. Le visuel est très important. Autant que le goût d’ailleurs.

Et aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, cet effet s’accentue davantage.

 

Tu trouves que les réseaux sociaux casse l’image ?

Je trouve que ça casse l’image parce que c’est le début de l’aire. Quand on arrivera sur la vidéo ou sur quelque chose de plus sensoriel, ce sera nettement plus intéressant. Mais prendre une photo pour prendre une photo ça reste froid et statique. Les réseaux sociaux vont avancer dans le temps et ce sera de plus en plus intéressant.

Le problème c’est que tout le monde donne son avis sur tout, et c’est très compliqué.

 

Que veux-tu transmettre dans tes desserts ?

J’aimerais pouvoir intriguer le client, qu’il se dise que je lui fais goûter un dessert très simple au niveau des goûts mais avec cette touche personnelle qui fait qu’il ne puisse pas le reproduire à la maison. Trouver le côté déroutant du dessert et se dire « je n’y avais pas pensé ! ».

La cuisine et la pâtisserie ont été mis en lumière mais il faut comprendre l’investissement présent derrière grâce à 15 ou 20 ans de métier. On met en avant notre technique pour rester à un bon niveau.

 

Peut-on pâtisser quand on est triste ?

J’ai fait une expérience il n’y a pas très longtemps et j’ai senti que dans le dessert c’était plat, il n’y avait pas de relief et je n’y ai pas trouvé grand intérêt.

 

Quel souvenir vous a marqué en pâtisserie ?

Le second du Galibot me disait tout à l’heure que ça faisait un moment qu’il n’avait pas mangé un flan pâtissier. C’est un dessert qui se perd parce qu’on l’achète surgelé ou en boulangerie pâtisserie. Et je trouve que c’est un dessert qui marque les souvenirs, j’en mangeais déjà en étant gamin.

Il a goûté mon flan et m’a dit que c’était le meilleur qu’il n’avait jamais mangé. Et pour moi aussi c’est le meilleur parce que c’est mon souvenir d’enfance. On me l’a transmis, c’est la première chose que j’ai mangé chez mon oncle et je me suis dit « waouh c’est bon ! ».

 

Manger, ça représente quoi pour toi ?

A la base c’est nécessaire, je n’y voyais pas un grand intérêt pour être franc. Mais en entrant dans les métiers de bouche, on apprend à goûter. Et j’ai appris à aimer des choses que je détestais en étant enfant.

 

La dernière fois au restaurant on m’a fait goûter des choux de Bruxelles et je détestais ça en étant gosse. Sauf que c’est cuit « correctement », parfois juste avec un blanchiment de légumes c’est super bon. Et nos parents ont peut-être tendance à l’oublier.

 

Sucré ou salé ?

Salé.

Le plat que tu aimes le plus ?

Le couscous de ma grand-mère.

Restaurant du coin ou gastronomique ?

De plus en plus restaurant du coin pour le côté convivial.

Tu partages ton assiette ou pas touche ?

Pas touche !

Petit déjeuner, déjeuner ou dîner ?

Je suis plus dîner.

Fromage ou dessert ?

Je suis plus dessert.

3 aliments qu’on retrouve dans ton frigo ?

Des œufs, du fromage et des tomates.

Ton ustensile de cuisine préféré ?

Le couteau parce qu’avec un taillage on peut amener une finesse qu’on ne trouve pas ailleurs. Ça peut être totalement changeant.

Un mot pour te définir ?

Généreux.

 

Tu peux m’expliquer ton dessert « Buche Labyrinthe » ?

J’étais en Picardie et on m’a demandé de faire une buche, mais comme dans tous les grands hôtels il faut faire une buche en Août. Le temps de la commercialisation, de la presse, de la publicité… J’ai travaillé cette buche autour de la fleur d’oranger et la pistache. C’était une période où ma grand-mère paternelle n’allait pas très bien et ce sont des goûts que je retrouvais dans sa cuisine. Je voulais lui faire un hommage même si personne ne l’a vu parce qu’il faut rester « lisse ». Les jardins de Chantilly et les souvenirs de mon enfance m’ont beaucoup inspiré. J’ai mis du temps mais j’étais très content de ce dessert.

 

 

 

 

 

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