La vie des chefs

Jean-Louis Duchène – Chef du restaurant « Au goût du jour »

2 août 2019

« Dès qu’il y a une nouveauté il faut que je l’essaie. »

Le Chef Jean-Louis Duchene est prêt à vous accueillir et à vous surprendre grâce à son menu « Les yeux fermés » dans son restaurant Au Goût du Jour à Lille.

Un chef ouvert qui saura vous concocter des plats au gré de vos envies… La surprise vaut le coup !

Pourquoi gastronomiquement sans complexe ?

 

Pourquoi pas ? J’ai travaillé au Septentrion avant et j’ai cherché à m’installer, j’ai fait une offre pour le reprendre et celle-ci n’a pas été acceptée. Je voulais ramener ce qu’on faisait là-bas mais sans fioriture, sans chichis, sans maître d’hôtel avec le nœud papillon, sans cristal, sans coin-coin dans les assiettes.

 

Garder l’essentiel sur le produit et sur la restauration en elle-même. C’est-à-dire faire plaisir, créer une ambiance moins guindée que dans les gastronomiques sans pour autant laisser tomber nos bases de cuisine. Je n’ai pas de complexe dans ma cuisine, je peux aussi bien travailler du homard que du maquereau, du cochon ou du filet de bœuf.

 

C’est un mélange de gastronomique et de bistronomique ?

 

C’est ce qu’on appelait il y a 10 ans la bistronomie. Même si le terme ethnologique est un peu galvaudé parce que tout le monde l’inscrit sur sa carte, c’est devenu l’effet tendance. Quand je suis arrivé il y a 11 ans sur Lille on n’était pas les seuls mais on n’était pas nombreux à le faire.

 

Je n’ai rien inventé non plus, ça se faisait déjà sur Paris, sur Lyon et dans toutes les grandes capitales gastronomiques. C’était un peu plus compliqué de le ramener sur Lille car on a une clientèle encrée dans les années 80.

 

Est-ce que la cuisine a toujours été une évidence ?

 

Depuis la 5èmeoui. Pas avant parce qu’on ne cherche pas vraiment, on profite de la jeunesse. À la base je voulais faire une école hôtelière donc mes parents m’ont inscrit à Orchies. J’ai passé le concours d’entrée pour être accepté dans la section. J’ai été pris et à 15 jours de la rentrée j’ai dit que je n’irais pas. Je voulais faire un apprentissage à la place.

J’ai d’ailleurs redoublé ma 3èmepour entrer à nouveau à Orchies.

 

Où s’est fait l’apprentissage ?

 

Ça s’est fait au Café de Paris à Tourcoing. Qui a changé depuis le temps. C’était la Maison Ferlin qui contenait le Café de Paris, la brasserie, et le Petit Bedon et Leplessy qui était le gastronomique. Il était situé sur la grand place. Je suis allé là-bas parce que le chef était un de mes cousins. Ce qui fait que j’ai eu un apprentissage un peu plus dur que les autres. Il ne voulait pas montrer de différence et il voulait aussi montrer qu’on était bons dans la famille et qu’on pouvait se surpasser.

 

C’était une bonne maison car tout était fait maison : le feuilletage, les pâtes fraîches. Le concept de mon chef était que tant qu’on ne savait pas faire à la main on n’utilisait pas les machines. Donc quand il faut monter les blancs en neige avec ses bras à 20h30 pour faire une île flottante c’était compliqué. Alors qu’on avait tout ce qu’il fallait.

 

Il était exigeant sur le travail mais l’ambiance était bonne. On était apprentis d’abord mais on était avant tout salariés de la cuisine. En CAP première année par exemple on gérait les achats des légumes, etc… On avait d’autres mises en place à faire. L’après-midi on faisait salon de thé donc on avait des permanences.

 

Il y a eu d’autres restaurants avant d’arriver ici ?

 

Il y en a eu plusieurs. Je suis allé dans diverses brasseries parce qu’à l’époque j’en sortais. Un jour je me suis retrouvé à la Clé des Champs à Halluin qui n’existe plus. J’y étais pendant 3 mois et ça a été racheté par Monsieur Raphanel qui était chef exécutif au Conrad international a Bruxelles. Il a fait un macaron au restaurant La Maison de Maitre.

 

Avant ça il avait déjà fait un macaron Michelin à l’Arc en Ciel à Lyon. C’était quelqu’un qui avait beaucoup de connaissances techniques et de beaux bagages. Il m’a remis le pied à l’étrier parce que c’était un moment de ma vie compliqué au niveau de la restauration, les horaires, la vie de famille. C’est contraignant. Il est arrivé au bon moment. Grâce à lui j’ai appris la « gastronomie »  parce que j’avais les bases. Mais j’ai eu l’occasion de travailler des turbos de 10/15kg.

 

Il m’a ramené cette culture du produit que je n’avais peut-être pas avant en brasserie. On ne travaille pas des produits de ce style là et de cette qualité même si ce sont des produits frais.

 

C’était votre mentor ?

 

On peut dire ça oui. C’est lui qui m’a redonné le goût aux produits et au métier. Il me laissait aussi pas mal de libertés donc je pouvais m’amuser sur les mises en bouche, les desserts… Parce que les desserts aussi sont importants. Quand on arrive dans un restaurant et qu’on a une carte à établir on donne les meilleurs plats, c’est bien, mais il ne faut pas non plus oublier les desserts.

 

Qui dans la famille t’a donné l’envie de cuisiner ?

 

Inconsciemment c’est certainement ma mère. Je faisais parti d’une famille nombreuse de 8 enfants donc quand elle devait faire à manger elle n’ouvrait pas une boîte de cassoulet <rires>. Je me rappelle que j’allais régulièrement au marché de Lambersart avec elle le mercredi matin.

 

Des souvenirs de plats ?

 

Il y en a quelques-uns oui. Même si ce n’était pas gastronomique. Les lasagnes de maman étaient énormes. Elle faisait une potée flamande qui était à tomber par terre, je n’ai jamais réussi à la refaire.

 

Et en dessert ?

 

Il n’y avait pas beaucoup de desserts. Quand on est 10 c’est plus compliqué. Sinon elle faisait des crèmes d’ail. Pour mon père principalement.

 

Est-ce qu’il y a des plats de ton enfance que tu as voulu retravailler à ta façon ?

 

Je fais la crème d’ail, tout le monde me dit qu’elle est à tomber. Par contre je la fais avec le d’ail fumé, à la maison c’était de l’ail blanc. C’est un petit clin d’œil !

 

Pourquoi tu as décidé de revenir dans les Hauts-de-France ?

 

On revient plus où moins à nos racines. Ce n’est pas la plus belle région pour travailler parce qu’il ne fait pas toujours très beau. Je pense à des régions qui sont quand même plus agréables comme en montagne. Mais dans le Nord il y a l’ambiance et la famille aussi.

 

Est-ce qu’il y a un produit du Nord que tu aimes cuisiner ?

 

L’ail fumé. J’en fais régulièrement. Il y a aussi l’endive quand c’est la saison. Dans le Nord on est très riches pour tout ce qui est maraichage, hortillonnage. L’année dernière je faisais l’asperge blanche de Cobrieux, cette année on a commencé des asperges vertes, elles sont superbes, énormes et bio.

 

C’est toi qui cherches tes producteurs ?

 

Je n’ai pas trop le temps mais j’aimerais bien. Donc j’espère qu’ils viennent à moi. Comme je suis seul en cuisine avec des apprentis, ce n’est pas toujours évident de courir à droite à gauche.

Les asperges que je cuisinais avant venaient de Provence et c’est moi qui avais pris contact avec lui par le biais d’internet. Je travaillais avec Sylvain Evrard qui produisait des asperges pour quasiment toutes les tables étoilées de France. À un moment il commençait à avoir trop de demandes et on ne pouvait plus avoir la quantité voulue.

Maintenant je vois le producteur en direct, c’est lui qui me livre.

 

Tu privilégies les producteurs de la région ou tu cherches des pépites ailleurs ?

 

Sur les produits je suis hyper curieux donc je n’ai pas de barrières. Par contre sur les légumes à l’achat je privilégie toujours le Calcia, c’est un apport que privilégie le français.

 

Maintenant je ne m’interdis pas de travailler des produits exotiques comme le poisson.

Je suis curieux des produits donc dès qu’il y a une nouveauté il faut que je l’essaie même si je ne gagne pas d’argent dessus. On a quand même besoin de ramener aux clients des produits qu’ils ne connaissent pas forcément. Après je pense que ceux de la région qui travaillent local il n’y a pas de soucis, on a ce qu’il faut.

 

Comme Florent Ladeyn par exemple, sa cuisine est très intelligente, axée sur le local, c’est très bien fait. Donc pourquoi essayer de faire pareil alors que je n’y arriverais pas ?  Lui c’est son truc, c’est son style. Moi je suis ouvert à tout.

Ça ne me dérange pas de faire du thon, il ne faut pas se leurrer il ne vient pas de chez nous. Même pour les viandes, c’est dommage mais je trouve qu’en France elles ne sont pas assez grasses. Donc je ne m’interdis pas de prendre de la viande Irlandaise ou Américaine par exemple.

 

Est-ce qu’il y a un ou deux plats que les gens apprécient particulièrement ?

 

Le concept d’ici est qu’il n’y a pas de menu établit, c’est à l’aveugle. Donc il n’y a pas de plat signature. Même s’il y a des produits que j’affectionne et qui reviennent régulièrement.

 

Comme quoi ?

 

Quand c’est l’hiver j’aime faire la gouache de betterave, ça ressemble un peu à ce qu’on pourrait appeler un ketchup de betterave. À la seule différence que je rajoute des anchois dedans, je les émulsionne au Blender pour avoir une texture très crémeuse et quand on la met dans l’assiette elle a la couleur de la gouache de l’école.

J’aime la travailler avec du maquereau ou je fais de la féta fumée. Ça revient quasiment tous les ans. Comme la crème à l’ail fumée.

 

Donc c’est voulu que toute les formules soient à l’aveugle ?

 

Oui, mais on n’a pas démarré comme ça. Il y a 11 ans on avait une mini carte avec 3 entrées, 3 plats et 3 desserts. Un menu avec 2 entrées, 2 plats et 2 desserts. Et il y avait ce fameux menu à l’aveugle.

 

Pourquoi ce changement ?

 

On s’est aperçu que les gens préféraient prendre ce menu à l’aveugle. Donc on utilisait plus les produits qu’il y avait sur la carte car le but du menu à l’aveugle c’est que les produits soient différents du menu proposé. Pour moi, une carte ne propose pas ce qu’on retrouve dans les menus.

 

Ça veut dire que la clientèle est curieuse ?

 

Plus curieuse oui mais aussi plus difficile de ce fait là. Elle devient énormément critique.

 

C’est quelque chose d’embêtant ou ça fait avancer ?

 

Ça dépend comment elle est formulée. Je sais qu’avec certains clients je peux discuter, ils me disent si quelque chose n’a pas été, c’est une critique positive. Avec d’autres, on sent si quelque chose ne va pas aller. On est de plus en plus confrontés à ça et c’est là que le métier devient compliqué.

 

Qu’est-ce que tu fais en dehors de la cuisine ?

 

Pas grand-chose. Tenir un restaurant c’est beaucoup de boulot.

 

C’est difficile aujourd’hui d’être chef d’entreprise ?

 

C’est dur par rapport aux contraintes administratives qu’on a en France. On passe énormément de temps à remplir les papiers divers.

À côté, gérer les fournisseurs, les devis clients, les factures à préparer, plus les achats pour la cuisine. Soit on fait appel à quelqu’un et on répercute ça sur les prix qu’on pratique. Mais je voulais que mes prix restent à la portée de tout le monde. Je peux mettre de la truffe dans un menu à 19,50€. Et les clients trouvent ça super.

 

Est-ce qu’on peut dire que tu aimes faire plaisir ?

 

Faire plaisir et faire découvrir. Leur montrer la curiosité qu’on possède.

Pour revenir aux critiques, on s’amuse à faire des coquillettes / jambon / truffes en plat du jour à 19,50€. Avec de la vraie mélano fraiche, je l’achète en direct chez un courtier. Et on a eu une dame qui s’offusquait parce qu’on avait fait des coquillettes. Elle a écrit ça en critique, mais elle n’explique pas que dans la coquillette il y avait du jambon blanc italien cuisiné à la truffe.

 

Comment fonctionne la communication d’Au goût du jour ?

 

Ça marche par les réseaux, par moi-même. On a fait un peu de pub par les magazines.

 

C’est une ambition de faire quelque chose ailleurs ?

 

Oui. C’est dans mes projets. À moyen-court terme.

 

Et partir à la campagne pour respirer ?

 

Oui c’est ça. J’ai des copains qui s’y sont installé et ça se passe très bien. Comme Grégory Burgeat au Bistrot & Vins, Mickael Braure au Witloof. Il y en a beaucoup d’autres qui vont suivre.

 

D’ailleurs, est ce que vous allez manger chez les copains ?

 

On n’a pas le temps même si on essaie de prendre le temps. Deux fois par an j’essaie d’aller au restaurant avec ma femme et mes enfants. Le dernier en date c’était la Maison Prévost à Douai. J’ai une grande liste de restaurants où j’aimerais aller. J’aimerais bien aller chez Nature, chez Nicolas. Au Clarance, je ne suis jamais allé alors que je vois Thibaut tous les jours.
Celui où je suis allé juste avant c’était chez Nicolas Rucheton à l’Essentiel. C’est aussi un copain.

 

Qui est ce qui fait à manger à la maison ?

 

Je dois vraiment le dire ? <rires>. C’est le micro-ondes. Mais on ramène aussi des produits pour les cuisiner. Ma femme est aussi du métier et c’est plus souvent elle qui cuisine que moi d’ailleurs.

 

Qu’est-ce qu’elle cuisine bien ?

 

Elle fait tout bien. C’est une cuisinière comme moi. On a fait notre apprentissage au même endroit, on a les mêmes bases.

 

Qu’est-ce que tu aurais voulu faire si tu n’avais pas été cuisinier ?

 

Honnêtement je ne sais pas, je ne voyais rien à part la cuisine. Je ne vais pas dire que c’est vital car ce serait mentir. Ça l’a peut-être été à l’époque mais plus maintenant. Quand j’étais jeune j’aimais bien l’informatique mais je n’étais pas matheux. Et j’étais très timide alors ça n’aurait pas été un métier de contact.

 

La timidité ça fait révéler des choses dans la cuisine ?

 

Je pense que c’est un moyen d’expression quelque part. Autrement que par la parole, le visuel, le contact.

 

Un mot pour te définir ?

 

Ça s’est compliqué. Je dirais fidèle.

 

Adresse : 22 Rue de la Barre, 59800 Lille
Téléphone : 03 20 51 23 45
Site internet : https://www.augoutdujour.eu

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