“Je suis un chef, pas un businessman. Le matin, je touche
à la matière. Les légumes, le poisson …..C’est mon truc.”
C’est à l’intérieur du Domaine d’Arondeau, arboré d’un parc de 15 hectares, que nous avons rencontré notre premier étoilé belge, le chef Benoit Neusy, un chef qui ne se prend pas au sérieux mais qui aime la perfection.
D’où vous est venue votre passion ?
Je suis né de famille ouvrière avec de bon goût. Mes parents élevaient des poules, des pigeons, des lapins… Ce sont eux qui m’ont transmis leur passion pour la cuisine.
A quel âge avez-vous décidé d’en faire votre métier ?
Très jeune, vers 12-13 ans. La passion de la cuisine m’est très vite apparue comme une évidence. Après une première année générale.J’ai incorporé école hôtelière à Saint Ghislain en Belgique.
Vous avez fait “vos armes” dans plusieurs établissements ?
Pas vraiment. J’ai fait principalement des stages. Puis, en fin de cursus, me suis expatrié à Cannes pendant deux bonnes saisons. Je partais 6 mois sur la Côte d’Azur et je revenais l’hiver en Belgique. Nous étions 1991, j’avais 19 ans et je travaillais pour un établissement qui s’appelait “Les Allées”. De retour en Belgique après une année, dans un établissement de la région j’ai décidé de monter une affaire avec un copain .
C’est jeune !
Oui, très jeune. Au départ, notre intention était de créer un service traiteur. Mais nous avons trouvé une très belle opportunité dans un village : la poissonnière nous a promis de nous faire de bons prix si on poursuivait l’activité. Nous avons donc lancé un service de traiteur / poissonnerie. Et depuis, nous sommes toujours spécialiste du poisson ! Après 7 ans d’activité poissonnerie, nous aspirions à découvrir autre chose. Nous avions envie de lancer un “vrai” restaurant.
Le besoin du contact avec le client ?
Voilà, exactement. J’avais envie de faire de la gastronomie. On a d’abord ouvert le restaurant uniquement le week-end pour voir si la mayonnaise prenait. Les semaines étaient chargées mais le restaurant plaisait, alors on a arrêté la poissonnerie ! Ensuite, je suis parti de mon côté, enfin, avec ma femme de l’époque !
« A force de travail et de persévérance, en 2013, on a décroché l’étoile Michelin. »
Et aujourd’hui ?
Initialement dans l’activité de restaurateur et accompagné de mon épouse,nous nous sommes investis à temps plein. Nous nous sommes donné le challenge de lancer un restaurant de poisson en plein Borinage et ça a fonctionné. On avait quelques viandes à la carte, mais c’était plutôt anecdotique. Puis nous avons acheté une ferme dans la région de Maisières, près de la base militaire du Shape, en périphérie de Mons. A force de travail et de persévérance, en 2013, on a décroché l’étoile Michelin.
Mon but premier n’était pas l’étoile. Je me suis fait tout seul, sans vraiment me calquer sur un autre chef. Ça m’a pris plus de temps mais au moins ma cuisine est plus “personnelle”. Toujours avec mon ex-femme à l’époque, celle-ci aspirait à d’autre défis. De fil en aiguille, nous en sommes venus à nous séparer.
La vie professionnelle a pris le pas sur la vie personnelle ?
En quelque sorte, oui. La gastronomie, c’est mon truc. Nous n’avions plus la même philosophie. Elle voulait transformer l’établissement en brasserie, je préférais la gastronomie pour décrocher, pourquoi pas, une deuxième étoile. On a eu la chance de rencontrer les propriétaires d’un hôtel avec salle de banquet qui n’avaient pas de restaurant. Ils cherchaient un chef pour compléter leur offre. Le lieu était magnifique.
Donc à l’heure actuelle vous n’êtes pas le propriétaire ?
Non, je ne le suis pas. Je leur apporte le dynamisme et la notoriété d’un chef étoilé.
« Je n’arrive pas à comprendre les chefs qui ne sont pas en cuisine »
Que faut-il faire pour devenir un bon chef ?
Comme un sportif performant, c’est l’entraînement. Je n’arrive pas à comprendre les chefs qui ne sont pas en cuisine. Je suis un chef, pas un businessman. Le matin, je touche à la matière. Je travaille les légumes, le poisson…. C’est mon truc.
Parlez-nous de ce cadre magnifique, le domaine d’Arondeau où vous travaillez.
Un site somptueux de + 15 hectares. Nous sommes une douzaine de personnes à y travailler. Il y a une équipe qui gère la partie gastronomique et l’hôtellerie, l’autre gère les événements. Dans mon équipe nous sommes 3. Nous gérons deux cuisines : la plus volumineuse gère le service traiteur et l’ autre cuisine la partie restaurant. Mon ancien second, que j’ai rencontré à Maisières, m’épaule ici pour la partie traiteur
Vous arrivez à tout gérer à 3 ?
Contrairement à certains chefs, je suis en cuisine dès 9h du matin. En cas de rush, nous avons des apprentis et des stagiaires pour nous épauler. Cela nécessite une attention soutenue mais ils peuvent être très efficaces. Les week-ends, ce sont des journées de 14-15h qui se terminent à minuit ou plus. On fait aussi moins de services, mais ils sont plus productifs. Alors, les grosses semaines finissent souvent par un apéro en fin de service !
“On essaye de mettre de l’émotion dans les plats.”
Quel est le concept du restaurant, s’il y en a un ?
Une cuisine à base de produits frais et saisonnier pour décupler l ‘émotion gustative.
La recette phare du restaurant ? Un plat signature ?
Le homard sans doute. J’aime bien revisiter les classiques. En ce moment nous faisons un jambon bellota, melon associé au homard. Le melon est confit pendant 12h dans le four. Il ressort avec beaucoup plus d’arômes. Mais je n’ai pas vraiment de plat signature. Ma patte évolue avec le temps. Je mélange beaucoup la terre et la mer.
Vous aimez travailler avec certains produits locaux ?
On essaye de travailler local. Tout dépend de la saison. On travaille le pigeon, les myrtilles, les groseilles, la bière. Nous avons aussi un maraîcher qui produit des asperges, des fraises. Avec du poisson, c’est plus compliqué de faire du local mais 80% de notre carte reste axée sur le poisson.
“Les 3 étoiles sont rares en Belgique par contre. Mais sur les 1 et 2 étoiles on se défend !”
Constatez-vous une différence entre la France et la Belgique ?
Selon Michelin, il ne devrait pas y en avoir. La France compte plus de petits restos sympas en France mais les restos étoilés sont plus nombreux en Belgique. Par contre les 3 étoiles sont rares en Belgique. Mais sur les 1 et 2 étoiles on se défend !
Qui cuisine à la maison ?
En général, c’est moi. Ma femme prépare aussi, mais c’est plus rare. Je cuisine tout le temps. Même quand on part en vacances avec des amis, je cuisine. C’est mon truc. Mais mes amis savent aussi que je suis heureux qu’on me prépare à manger. Parfois ils ne prennent pas de risque et font une raclette. Ça je leur demande d’arrêter, j’en ai marre ! Cuisinez-moi une ratatouille ou un poulet !
Justement, quel est le plat le plus banal que vous aimez ?
Le poulet rôti de chez ma mère. Avec des frites le samedi midi. Elle cuisine moins avec l’âge mais, c’est toujours aussi bon.
“Le métier est compliqué, les horaires sont difficiles. Mais ça en vaut la peine.”
Vous avez des projets à venir ?
J’adore L’Espagne, donc un bar à tapas, un bar à vin, pourquoi pas ?
Domaine d’Arondeau Hotel 3* – étoilé Michelin
Adresse : Rue d’Arondeau 29B-7601 – ROUCOURT (Péruwelz-Hainault) BELGIQUE
Téléphone : +32.(0)69 34 30 70
Site internet : www.limperatif.be
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