« La créativité, c’est la victoire de la curiosité sur l’habitude ”
Notre rencontre avec le Chef Marc Meurin devait se faire en 1/2 heure… nous sommes restés avec lui pendant 2h.
Marc Meurin, ne se retient pas, il dit tout à haute voix et nous avons aimé l’écouter et découvrir son domaine. Une belle rencontre avec un grand Monsieur de la Gastronomie française et surtout des Hauts de France.
D’ où vous est venue votre passion pour la cuisine Monsieur Meurin ?
Je suis l’aîné d’une famille de 4 enfants. Ma maman, était mère au foyer et mon papa cheminot. Il faisait également de la ferronnerie. Je suis allé à l’école de Violaines et comme il n’ y avait pas de cantine à cette époque, je rentrais à la maison le midi pour manger. De ce fait, je voyais toujours maman mitonner pour notre famille chaque jour. Quand j’ai eu mon certificat d’étude à 14 ans, diplôme très important à l’époque, je ne savais pas quoi faire par la suite, et c’est maman qui m’a incité à faire de la cuisine et à m’inscrire à Michel Servet, école hôtelière à Lille. Paradoxalement, moi, qui n’aimais pas étudier, j’ai réussi l’examen d’entrée. Nous étions 30 sélectionnés sur plus de 400 élèves. Au bout de 3 ans, j’ai obtenu mon CAP de cuisine à l’âge de 17 ans.
“La première étoile, en toute honnêteté, je ne m’y attendais pas ! ”
On vous dit autodidacte…
Beaucoup de mes collègues, se sont formés auprès de grandes maisons. Moi, non, je suis un autodidacte. Le CAP en poche, je suis allé travailler pour un traiteur sur Lille. Il a su vite déceler en moi des capacités et m’envoyait fréquemment cuisiner dans des entreprises qui avaient des restaurants. J’élaborais avec lui, des recettes qui étaient à cette époque créatives pour un traiteur et cela me plaisait beaucoup.
Vous vous souvenez de votre réaction quand vous avez décroché la 1ère étoile ?
J’étais à Béthune en 1992, dans mon restaurant le « Meurin », quand je l’ai obtenu. Je n’avais pas cette culture du fameux guide rouge, de la bible Michelin, c’était inattendu. En toute honnêteté, je ne m’y attendais pas. Nous n’avons jamais travaillé pour avoir une étoile ! Dans le courant du mois de février, pendant mon tour de table, je tombe sur un peintre qui exposait à Bruay-La-Buissière, et il me dit : « Lorsque le guide Michelin sortira vous aurez une agréable surprise, vous allez avoir une étoile ». Effectivement quelques semaines plus tard, l’étoile est tombée. J’ai eu de nombreux appels, notamment France 3 qui voulait absolument m’interviewer dans la journée. Ce succès soudain a changé notre vie . A l’époque cela n’était pas simple car nous n’étions que 2 en cuisine et ma femme Claudine, au service, pour répondre à toutes ces interviews. Cela nous a fait extrêmement plaisir.
« Ce qu’il faut en cuisine, c’est l’idée.”
Votre inspiration, vous allez la chercher où ?
Je dis toujours : « la créativité, c’est la victoire de la curiosité sur l’habitude. » A 66 ans, j’arrive encore à avoir beaucoup de nouvelles idées. En cuisine, le plus important, c’est l’idée. Etre créatif et sublimer nos produits locaux. Mon inspiration, je la trouve dans le jardin de mon Château. Je regarde, je touche beaucoup les produits et j’en tire des idées que je transmets aux chefs de mes restaurants. Nous la présentons ensuite à tout le monde pour goûter et chacun donne son avis. Je suis un Locavore, c’est ma culture et cela depuis le début. Aujourd’hui, nous mettons cela en avant alors que ça existe depuis des années. J’ai toujours voulu mettre à l’honneur des produits de qualité et frais grâce au travail passionné des producteurs locaux. J’ai l’impression que notre société redécouvre les choses alors que le manger local a toujours été là. Cela me fait extrêmement rire.
“Les gens du Nord sont sincères et généreux. Je n’aime pas les gens qui racontent n’importe quoi.”
Pourquoi n’avez-vous jamais ouvert un restaurant sur Paris ?
Entre nous, sur Paris ils sont largement assez. Je n’ai jamais cédé à la tentation d’y aller. J’aime me rendre dans mes restaurants chaque semaine. Paris, c’est compliqué, on peut le faire avec les moyens de transports mais c’est une journée de perdue. Ici c’est plus gérable, je prends la voiture et je vais à Lens, à Lille dans la même journée. Et puis j’aime trop notre belle région. J’y suis attaché. La générosité du Nord, c’est bien connue…
« Il faut arrêter de dire que notre métier est dur ! Il y a du partage et de la convivialité »
Pourquoi il y a autant d’offres d’emploi dans la restauration ?
Il y a plus de 452 000 offres d’emploi dans l’Horeca (centrale destinée à faciliter le travail des cafés, hôtels et restaurants), ce n’est pas normal ! Notre modèle français n’est pas bon, il faut redonner de la valeur au travail.
Nous ne sommes pas réfléchis contrairement à d’autres pays. Il y a une pénurie d’emplois dans notre domaine. Arrêtons de dire que notre métier est dur. Il y a de la création, du partage, de la convivialité, nous sommes ensemble.
Par exemple, j’entends certains jeunes dire après une saison de quelques mois : « C’est bon, je vais me reposer un peu, j’ai fait mes heures, je me mets au chômage ! » ou bien quand ils se mettent en couple ou fondent une famille, ils ne veulent plus bosser le week-end. Le problème est là !
Nous sommes un pays où malheureusement, certains profitent.
Aux États-Unis, Japon, ou en Angleterre, cela ne se passe pas comme ça. Il est temps de relever ses manches et de remettre ces personnes au boulot ! Faut stopper la machine maintenant !
Il faut aussi arrêter de dire que l’activité de la restauration, c’est Germinal ! On a une mauvaise image.
Aujourd’hui on a tout pour travailler correctement dans la restauration. C’est moderne ! Mon équipe a tout pour se sentir bien sur son lieu de travail. Un bel équipement, du bon matériel, une pièce pour eux. « Cela n’est pas la Bérézina ! » Ils sont comme chez eux. C’est important pour moi, qu’ils se sentent bien. La preuve, j’ai mon Chef, Philippe Géniteau qui m’accompagne depuis 30 ans.
Selon moi, la jeunesse semble moins préparée qu’avant. On devrait les pousser à être encore plus curieux. De nos jours, on peut vite regarder une recette sur Internet, par exemple apprendre une recette de sauce d’un autre pays.
Ensuite, les jeunes ne doivent pas s’imaginer que l’on soit mal payé dans la restauration. Ici, au Château de Beaulieu, pendant sa période d’essai, et selon ses compétences, un jeune commence comme apprenti au SMIC et après c’est minima 1500 net, avant de devenir cuisinier avec une progression de salaire.
» La cuisine, c’est mon pied ! «
Changeons de sujet plus drôle, qui est aux casseroles à la maison ?
Moi et toujours moi. J’adore faire la cuisine pour recevoir mes amis chez moi. Même si mon épouse m’aide, j’adore cuisiner. C’est mon plaisir et mon univers. J’ai 2 passions, la cuisine et mon jardin pour m’évader. Ici, je m‘y retrouve.
Quel est le plat le plus simple qui vous fasse plaisir ?
Une bonne pomme de terre écrasée à la fourchette, avec une noisette de beurre c’est délicieux.
Même si je ne suis pas végétarien, j’adore les légumes ! On peut faire des choses extraordinaires avec des légumes. Une bonne fondue de poireaux, ou une petite compotée de choux rouge comme en ce moment. C’est quelque chose de fabuleux. Faire une cuisine à base de légumes, cela peut être extraordinaire avec de bonnes idées.
Voyez-vous, j’adore aller au marché, celui du Touquet par exemple, discuter avec les producteurs, où l’on voit leurs mains qui ont travaillé la terre et qui en sont amoureux. On est dans le vrai monde. J’ai un très profond respect pour les métiers de la terre ! Même si cela se mécanise, et tant mieux pour eux, c’est dur la terre !
J’ai toujours été entouré par ces personnes. Le bio et le vrai bio, a un avenir ! Et pourtant, cela existe depuis plusieurs années. Avant, on parlait de biologie, on a juste raccourci le nom. Avec tout ce que l’on voit dans les médias, on revient en arrière. La mode est un éternel recommencement. Il y a une prise de conscience actuellement qui est importante, car à force de « bouffer des cochonneries », on va avoir des surprises. Je préfère la qualité à la productivité.
» Je veux ramener du spectacle dans la restauration«
Vous avez encore des projets à 66 ans ?
Je veux recréer un concept de restauration, faire des repas par exemple, en invitant un fromager qui va raconter son métier, les fromages qu’il prépare. Je souhaite mettre en place la cuisine du 3ème millénaire. Il faut repenser ce que nous faisons en cuisine. Il faut redonner un sens de l’affaire. Les personnes qui viennent au restaurant s’ennuient. Dans notre métier, il faut redonner un côté festif.
J’ai une idée, elle est géniale ! J’ai hâte. Remettre en avant un savoir-faire.
Vous avez dans votre cuisine, le dernier vainqueur de TOP CHEF 2018. Cela a du changer des choses pour vous ?
Ça fait 7 ans que Camille est ici. C’est un garçon très curieux. Philippe Géniteau et moi-même, nous l’avons préparé à Top Chef. C’est une épreuve très dur mentalement. Au bout d’une semaine, on peut vite dégager du concours. Lui, il a tenu jusqu’au bout.
Top Chef a transformé mon Camille en 6 mois, c’est inimaginable. Il a la tête pleine d’idées, c’est énorme. Cela nourrit une personne.
Je me souviens d’un week-end quand il est rentré du tournage de la semaine, il devait préparer une épreuve pour cuisiner chez Joël Robuchon à Monaco. Il avait un doute sur le légume à cuisiner. Je lui ai dit : « Robuchon, c’est la pomme de terre ! » On a imaginé et travaillé ensemble le plat, qui lui a fait gagner l’épreuve ce jour-là.
Vous lui confiriez un établissement ?
Sans hésiter ! Camille est une bonne personne, il est jeune, il réussira.
Je l’encourage à aller voir ailleurs et un jour il reviendra ici dans les Hauts de France. C’est ce que je lui ai conseillé. Ici, les gens l’aiment.
Et puis, on s’est tous maintenant, qu’il ambitionne pour le MOF (Meilleur Ouvrier de France).
Nous allons l’encourager comme nous l’avons fait tout au long de Top Chef. Il est très convivial et a un grand pouvoir d’écoute. C’est une belle histoire. Une grande fierté pour moi, Philippe Géniteau et ses collègues.
La cuisine est une grande famille et nous serons derrière lui par la suite.
Adresse : Le Château de Beaulieu – Relais et Châteaux Marc Meurin : 1098 rue de Lillers – 62350 BUSNES
Téléphone : 03 21 68 88 88
Site internet : http://www.lechateaudebeaulieu.fr
Crédit photos : Eric Dabrowski©
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