« J’essaye de ne pas trop m’influencer pour vraiment
aller puiser au fond de moi-même. »
Interview réalisé au début de l’émission Top Chef
Pour les passionnés de cuisine, Damien Laforce n’est plus à présenter puisqu’il a participé cette année à l’émission Top Chef. Mais pendant 5 ans, Damien a été second chez Florent Ladeyn, finaliste et révélation de Top Chef 2013, puis il a pris la tête du Sébastopol à Lille où il a reçu le prix de Jeune Talent Gault et Millau 2018.
Son univers culinaire : il défend la cuisine du Nord, les produits du terroir et revendique une cuisine plus responsable.
Aujourd’hui Damien Laforce a de quoi bien s’occuper puisque pour la fin de l’année, il ouvrira son premier restaurant, à Lille.
Pourquoi avoir voulu faire Top Chef ?
J’ai voulu montré que dans le Nord on a un très beau terroir, de très beaux éleveurs, agriculteurs et maraîchers. On a une faune et une flore très intéressantes qu’il faut préserver. J’ai voulu mettre tout ça en avant dans l’émission mais aussi avoir un vrai avis sur ma cuisine.
C’est la production qui m’a contacté donc à la base ça n’était pas dans mes plans. J’ai une cuisine très végétale qui est à part mais malgré tout gourmande. Je laisse parler ma créativité. Je fait ce métier pour être totalement libre et je pense que c’est l’un des seuls métiers qui peut nous apporter ce type de liberté. Puis l’émission permet de rencontrer beaucoup de monde et d’avoir un avis sur ma cuisine, aussi bien de membres du jury que de candidats.
A ce jour, l’enregistrement est fini, tu restes en contact avec le jury ?
Je suis toujours en contact avec le Chef Etchebest. Je ne dirais pas qu’on est copains parce qu’il y a une différence d’âge et que c’est mon chef avant tout dans l’émission, mais on s’entend très bien et je sais que je peux le contacter pour avoir des conseils.
Que pense-t’il de ta cuisine ?
Je pense qu’il aime ma cuisine. En tout cas il aime mes convictions. Il aime les gens qui ont des convictions et le fait que je vienne défendre mon terroir avec ma créativité. Je pense que cela s’est vu qu’il est content de moi !
Est-ce que c’est dur moralement Top Chef ?
Très dur. On commence tôt et on finit très tard. Il y a beaucoup de pression et de caméras fixées sur nous. Pour laisser parler mon imagination, j’ai besoin d’être dans ma bulle. C’est assez difficile d’oublier la caméra au début.
» Je fait ce métier pour être totalement libre et je pense que c’est l’un des seuls métiers qui peut nous apporter ce type de liberté. »
Tu n’as pas peur que l’on compare ta cuisine à celle de Florent Ladeyn ?
C’est vrai que Florent fait pas mal de cueillettes aussi. J’ai été formé chez lui à l’âge de 15 ans. On est facilement modelable quand on à 15 ans. Puis j’ai été son second à 18 ans, c’est que je me suis bien moulé aussi à sa cuisine. Qu’on me compare à Florent, pourquoi pas mais je m’appelle avant tout « Damien Laforce ». Après j’ai aussi été chef au Sébastopol et j’ai proposé quelque chose de différent. On peut toujours se comparer à quelqu’un. Ce qui fait la différence, c’est de venir à table.
Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience chez lui ?
C’est une belle école de la vie. J’ai eu une très belle complicité aussi bien avec le père que le fils. Florent m’a formé et m’a aidé à mieux manger et à travailler davantage les produits du coin. C’est un travail qui nécessite pas mal de temps. Le père était un petit peu celui avec qui on allait voir les bestioles. Il gérait plus le corps de ferme mais j’ai tissé de vrais liens avec lui aussi.
En tout je suis resté trois ans à l’Auberge du Vert-Mont, de mes 15 ans jusqu’à la majorité.
Cette envie de cuisiner, elle vient de ta maman ou ta grand-mère ?
De ma grand-mère je dirais, même si ma mère est aussi bonne cuisinière. Mes grands-parents ont un potager énorme, ils sont auto-suffisants. Ils ont des kiwis, des mandarines, des citrons, des tomates… Et tout ça sans traitement.
Ce modèle là de vie et de consommation, pour moi il est durable. On a pas tous la chance d’avoir le temps et le terrain pour avoir un potager mais je pense qu’on peut tous contribuer à mieux consommer. C’est mon défi de demain.
Quels sont les plats de ta grand-mère qui te ramènent en enfance ?
Je vais dire un truc tout bête mais elle me faisait des “coquilles au jambon”. A l’époque on n’avait pas trop le droit aux coquilles Saint-Jacques, c’était un repas de fête. Pour ne pas gâcher, elle allait nous chercher les restes de jambon fumé à la boucherie. Elle éminçait le jambon et elle travaillait ça avec une béchamel et une fine chapelure de pain. C’était excellent.
Ça et les petites pommes de terre grenaille du jardin, colorées avec le beurre de ferme, c’était très bon.
Tu as suivi un cursus scolaire pour faire ton métier ?
J’ai fait un Bac Pro en alternance à Dunkerque. J’avais une moyenne correcte. J’ai toujours rêvé de vivre en autosuffisance et de connaître tout ce qui nous entoure. La nature, pêcher l’anguille avec mon grand-père, travailler le potager… Je ne jure que par ça.
Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
A court terme j’en parle mais à moyen terme je n’en parle pas. Je vais faire un lieu cool où on ne va manger que du local et du durable avec possibilité de goûter certains coups de cœur qu’il y a eu pendant l’émission. Ça sera plus la tablée entre potes et sur Lille.
« Qu’on me compare à Florent, pourquoi pas mais je m’appelle avant tout « Damien . »
Ça veut dire qu’un jour tu voudras ouvrir un restaurant à la campagne ?
Ça veut certainement dire ça <rires>.
As-tu un chef qui t’influence?
En fait, j’essaye de rester assez neutre. J’essaye de ne pas trop m’influencer pour vraiment aller puiser au fond de moi-même. Il y a des chefs chez qui j’aimerais aller manger parce qu’on m’a dit que c’était bon mais je ne vais pas regarder tout ce qu’ils font pour autant. Je veux continuer à aller puiser ce que j’ai au fond de moi.
Est-ce qu’il y a un plat que tu aimes particulièrement cuisiner ?
J’aime beaucoup travailler le cochon. Je pense que c’est ma viande préférée. J’adore les associations Terre / Mer aussi. Toute cette région que l’on a entre Lille, les Flandres et la Côte d’Opale, j’essaye d’aller piocher ce qu’il s’y fait de meilleur dans l’assiette.
Est-ce qu’il y a un autre pays qui te plaît gustativement ?
J’aime beaucoup l’Italie. Pour moi c’est une cuisine populaire. Tout le monde peut faire des pâtes. Il y a d’autres régions de France que j’affectionne aussi. Pour l’instant, je suis bien là où je suis !
Qu’est-ce que tu fais en ce moment ?
Je prépare mon projet et visite des locaux. Je sais où je veux aller et l’équipe est déjà prête. J’ai envie de faire quelque chose qui me ressemble : à la cool et où on prend le temps d’expliquer les choses aux gens.
Ça te fait quoi de devenir chef propriétaire à 23 ans ?
C’est beaucoup de stress pour être honnête. Gérer une équipe de cuisine, j’y ai vite été habitué. Ce qui me fait peur c’est de passer du côté entrepreneur. C’est plus la partie administrative qui m’inquiète surtout. Pour le premier à 23 ans, j’ai forcément peur. Comme toute première fois !
« Quand je suis dehors, je fais le vide dans ma tête et j’observe les animaux. »
J’ai vu sur Instagram que tu aimes te balader au Cap Gris-Nez.
Les moments où je me vide le plus la tête, c’est quand je suis dehors à la campagne ou sur la côte. Quand je suis dehors, je fais le vide dans ma tête et j’observe les animaux. Je passe du temps dans les restaurants aussi. J’aime la bonne bière et la bonne bouffe. Pour l’instant ça me convient très bien.
Quel est le dernier restaurant que tu as fait dans la région ?
L’ Hazewinde à Saint-Sylvestre-Cappel. J’ai mangé des joues de cochon, c’était très bon.
Je t’invite à manger chez moi, je dois te faire quoi ?
Tout me va tant que c’est gourmand ! Et la gourmandise ça veut dire le beurre. <rires>
Qu’est-ce que tu n’aimes pas dans la nourriture ?
Les produits qui coûtent cher avec un intérêt gustatif qui n’est pas à la hauteur du prix. Je préfère manger une échine de porc fermière de la ferme de Delassus qu’un truffe noir du Périgord de début de saison.
Un mot pour te définir ?
Simple
Merci Damien !
Crédit photos : M6
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