La vie des chefs

Antonin Maresciano – Chef du Restaurant “L’Auberge” à Caëstre

28 février 2019

Ma priorité c’est le goût et le résultat dans l’assiette… ”

 

Allez découvrir dans le charme de la campagne en Flande française, l’Auberge du chef Antonin Maresciano qui vous reçoit dans un lieux authentique de briques blanchies. Vaste cheminée, carte de produits locaux composent un menu-plaisir simple à petit prix.

 

Qu’est-ce qui vous a fait décider d’être cuisinier ?

Vers 15-16 ans, la question du permis de conduire commençait à se poser. Mais pour ça il fallait gagner un peu d’argent. Donc j’ai demandé aux gérants de l’époque s’ils ne cherchaient pas quelqu’un pour la plonge ou pour faire un peu de ménage. C’est comme ça que j’ai démarré à l’Auberge.

Puis un jour une serveuse est tombée malade et j’ai pu la remplacer. Je venais tous les week-ends et pendant les vacances scolaires. 2-3 ans après, ils ont donné des congés au second de cuisine et je l’ai remplacé pendant 3 semaines. J’ai trouvé que ce n’était pas très compliqué et ça s’est bien passé.

A l’époque je faisais un bac STI Génie des matériaux. J’étais plutôt désorienté et je ne savais pas vraiment ce que j’allais faire comme travail. En terminale, on a visité une fonderie et j’ai eu la révélation de ma vie en me disant “Surtout, je ne veux pas faire ça”. Je me suis un peu arrangé pour redoubler ma terminale et gagner du temps. Je me suis redirigé vers un BTS Hôtellerie Restauration avec deux stages de 4 mois.

A chaque fois je finissais la saison sous contrat dans l’établissement où j’étais. J’ai travaillé à l’hôtel de la Messardière sur les hauteurs de Saint-Tropez. J’ai aussi travaillé en Corse dans un hôtel restaurant qui s’appelle le Maquis, à Porticcio. C’était plutôt un petit établissement de famille. Une très belle maison, ou j’ai vraiment appris à travailler le poisson.

 

Ensuite j’ai eu mon diplôme et j’ai eu la chance de travailler chez Guy Savoy. Quand j’ai passé mon examen, une personne du jury qui a vu les plats que je sortais est venue’ me voir à la fin. Il m’a proposé de rencontrer son fils qui terminait chez Guy Savoy. Il m’a fait rentrer. Ça a démarré comme ça.

 

 

Qu’est-ce-qui vous a fait revenir ici ?

Je suis parti 18 mois. Je suis redescendu dans le Sud pour un poste au Restaurant Etoilé du Grand Hôtel de Saint Jean Cap Ferrat. J’ai travaillé sous la direction de Didier ANIES, chef de cuisine meilleur ouvrier de France, et aussi avec Luc DEBOVE chef pâtissier et meilleur ouvrier de France Glacier.

Je suis revenu parce que je suis d’ici, c’est ma région.

 

 

 

Cela semblait très simple, mais en y regardant de plus près, c’était parfait.”

 

 

Qu’est-ce que vous en avez retenu de ce parcours dans des belles maisons ?

J’ai appris la rigueur. C’est une cuisine qui cogite, où les chefs créent une cohésion dans les plats. Au Grand Hôtel on demandait l’avis de chacun en cuisine. , si on travaillait de l’agneau, on demandait au second avec quoi il aimait le manger. S’il répondait par exemple, des pommes de terre, on allait en chercher pour réaliser le plat.

Puis on demandait à quelqu’un d’autre. Et avec les envies et goûts de chacun, on arrivait à créer quelque chose collectivement. Alors que chez Guy Savoy c’était complètement différent. Tout était très cadré, C’était comme ça et pas autrement. Je me souviens avoir été déçu quand j’ai vu les assiettes sortir la première fois. Je m’attendais à voir des strass et des paillettes. Cela semblait très simple, mais en y regardant de plus près, c’était parfait. C’est cette manière de faire que j’essaye d’appliquer ici. J’essaye au maximum de faire joli…. Je le fais, mais ma priorité c’est le goût et le résultat dans l’assiette.

 

On travaille local même si la reconnaissance n’est pas toujours là. Quand je vois sur la carte de certains restaurant très réputés des asperges à Noël… Je me demande comment c’est possible. J’essaye d’avoir une démarche locale, avec des produits de saisons.

 

J’aurais pu commencer directement dans un état d’esprit gastronomique en me disant “Je veux l’étoile Michelin”. Mais je pense que je serais déjà fermé, car cela n’aurait pas marché dans mon environnement et avec les moyens que j’ai.

 

Je sens que vous avez envie de partir vers ce type de cuisine. Pourquoi continuer et ne pas aller en métropole ?

Parce que je suis des Flandres. Il y a eu un concours de circonstances, le restaurant a été mis en vente au moment où j’ai arrêté de travailler pour un patron. Je ne dis pas que si c’était à refaire, je ne le referais pas sur Lille. L’hiver est dur ici. L’été ça bouge, mais cela ne représente que les ⅔ de l’année.

 

C’est pour ça que vous faites des événements comme récemment avec Steven Ramon ?

On l’a surtout fait parce qu’on est tous potes et on se voit les dimanches pour faire des «  bouffes ensemble ». On n’a pas de secrets, dans le sens ou on partage beaucoup entre nous et on se retrouve sur pas mal d’aspects de notre cuisine.

 

Vous faites partie de Mange, Lille. Pourquoi ?

Quand j’ai fait les 3 ans du Restaurant ici, j’ai invité Simon Pagès qui est le chef du Gabbro et Nicolas Pourcheresse, histoire de passer un moment ensemble. On s’était dit 100 fois que ce serait sympa. Et comme j’étais le seul à avoir de la place, on a fait ça ici. En fin de service, Nicolas m’a demandé si ça me dirait de cuisiner pour Alain Passard. Il y a des choses dans la vie qui se refusent difficilement donc j’ai accepté. On a fait à manger aux Beaux-Arts en son honneur. C’est comme ça que je me suis retrouvé au sein du collectif.

 

En Octobre 2018, j’ai cuisiné un repas pour 100 couverts dans le cadre de Mange Lille à l’église Sainte Marie Madeleine, avec mon équipe ainsi que Luc DEBOVE MOF pâtissier glacier et consultant international qui est venu de Nice me rejoindre spécialement pour l’évènement.

 

Qu’est ce que cela vous apporte ?

Des échanges, du partage, du soutien, de la visibilité aussi. J’en ai besoin en étant à 30 minutes de Lille. Ce n’est pas si loin que cela mais les gens s’imaginent que L’AUBERGE se trouve encore plus éloignée.

 

Selon vous, qu’est ce qui manque pour que les gens viennent plus ici ?

Développer davantage le travail de communication ce j’essaye de faire avec Facebook et ZENCHEF, et ça marche. Mais je n’arrive pas à tout faire car mon job c’est d’abord le travail en cuisine. , on fait tout de A à Z donc ça prend beaucoup de temps, et nous ne sommes que deux.

 

Quelle est votre journée type ?

Debout 6h, direction les courses. On boit un café avec les copains puis on rentre. Selon les jours, il y a livraison ou pas. Derrière, on allume la cuisine et on lance ce qu’il y a à lancer. Vers 9h30 / 10h, les employés arrivent. Moi, je suis déjà là depuis 2h. Je peux être dérangé, s’il y a un coup de fil…ou d’autres problèmes matériels à gérer. Ce sont les aléas d’un patron, d’un chef d’entreprise mais pas d’un chef de cuisine. Ça me laisse forcément moins de temps pour prendre du recul sur ma cuisine. Aujourd’hui, il n’y a plus personne pour me mettre «  des coups de pied au cul. » Ça c’est difficile. Les copains le font quand ils viennent manger, et c’est toujours constructif. Mais oui, au quotidien c’est ça le plus dur.

 

Comment vous viennent vos idées de recettes ?

Je n’invente rien, mais tous les jours avec les produits qui m’inspirent, quand je vais faire les courses, je propose des menus avec des choix possibles pour mes clients. Cela m’oblige à me renouveler chaque jour.

Quelle est l’une des spécialités qui revient souvent ici ?

S’il y en a une, c’est la carbonnade flamande que j’ai revisité. Je la sers sans frites. Je confis les joues de bœuf entières sous vide, à 87° pendant 36-48h dans un jus de veau maison. Une fois que c’est cuit, je les sors et je dégraisse à la main. Je les émiette, j’ajoute de la moutarde à l’ancienne, sel et poivre. Je roule ça dans du papier film, j’en fais un boudin puis je le mets en cellule de refroidissement.
A la place des frites, je fais une mousse de pommes de terre bintje.
La garniture aromatique se fait avec des chips d’oignons et de carottes… pour le croquant.

Ce plat ne bouge pas de la carte, comme la côte de bœuf qui est faite au feu de bois.

C’est un concept que j’adore : aller au restaurant avec un pote et avoir une belle pièce de viande avec du vin. Je peux mourir tranquille avec ça.

Ici c’est vraiment sans chichi. On fait les choses bien et tranquillement.

 

Ce virage culinaire que je sens au fond de vous, vous comptez le faire prochainement ?

Pour moi le virage est déjà pris, surtout en fonction de mes moyens. Je suis attentif à offrir un bon rapport qualité prix. Je m’appuie aussi beaucoup sur Olivier mon Responsable de salle qui partage ma conception de la cuisine et de l’accueil des clients. Si je le pouvais, je changerais les chaises par exemple, pour inviter les gens à rester plus longtemps à table et offrir plus de confort.
« Quand je suis bien dans un fauteuil, je prends un digestif. »

Beaucoup de clients me disent que les choses sont inversées. On a plutôt l’habitude d’arriver dans un restaurant en se disant “Ça a l’air super sympa ce restaurant” et on s’aperçoit que c’est finalement moyen dans l’assiette. La boîte est belle mais l’assiette quelconque. Ici le cadre est peut être simple et rustique mais tout le monde dit que c’est bon comme le montre les avis des clients.

 

Les restaurateurs en France ne sont pas très aidés. Qu’est ce qu’il faudrait pour que ça change ?

Baisser les charges surtout pour les petites structures. Mettre en place des systèmes d’aide financière si besoin. La liberté d’être patron a malheureusement un prix très élevé. Ma femme se demande comment je fais pour tenir au quotidien. Il y a des fois où on rumine un peu quand tout est complet à Lille et qu’ici c’est plus calme, alors que tout est prêt pour accueillir plus de clients.

 

« Ici c’est vraiment sans chichi. On fait les choses bien et tranquillement. »

 

Qu’est-ce que vous faites en dehors de la cuisine ?

Je vais manger au Gabbro. Tous les lundis. Sauf guerre nucléaire ou Malaria, je suis là-bas tous les lundis midis. C’est le meilleur restaurant de Lille, surtout au niveau du rapport qualité / prix. Et la cuisine de Simon me touche. Il aime les betteraves, le cochon, les escargots, le Haddock…

On fait du sport ensemble, il est presque rentré dans la famille.

 

Si je vous invite à manger chez moi, qu’est-ce que je dois faire ?

Ce qui vous demande le moins de préparation. Une petite raclette par exemple. Je déteste qu’on se casse la tête pour moi ! Le plus simple possible, c’est très bien. Un truc à partager qui ne va pas vous obliger à rester en cuisine.

 

Un mot pour vous définir ?

Généreux et rigoureux.
C’est important dans notre métier. Ce qui me nourrit moi, ici, c’est les clients. Ce qui compte le plus, c’est le moment qu’ils ont passé. Je suis perfectionniste aussi, comme tous les chefs de cuisine passionnés par leur métier.

 

Adresse : L’auberge, 2590 Route de Bailleul – 59190 Caëstre
Téléphone : 03 28 40 25 25
Site internet : http://www.laubergecaestre.com

 

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