La vie des chefs

Steven Ramon – Chef de cuisine au Rouge Barre à Lille

24 novembre 2018

« Je suis un artisan culinaire et non un artiste »

 

C’est dans son restaurant, nommé le Rouge Barre qui bénéficie d’un cadre très sympa, sobre et chaleureux, que le Chef  me reçoit avant le service du déjeuner.

On y retrouve vraiment la personnalité découverte dans l’émission Top Chef en 2013, un peu brute d’apparence mais généreuse et sensible derrière sa veste de cuisinier.

 

 

Quand avez-vous eu le déclic d’être cuisinier ?

Je ne suis pas tombé dedans comme tout le monde, ni ma maman, ni mon père ne viennent du milieu gastronomique. On a même jamais été dans un restaurant digne de ce nom.
Personne ne m’a donné l’envie.

J’étais peu intéressé par les études classiques et c’est au moment de l’adolescence que j’ai pris conscience d’en faire mon métier, surtout lors d’un stage chez un des amis de ma mère dans un Estaminet « Le Lapin à Z’os » que j’ai commencé à être attiré par ce métier.

 

J’en ai parlé à mes parents qui m’ont vite dis que cela allait être dur, pas de vie personnelle, pas de week-ends, pas d’heures. J’étais bien prévenu. Ils ne m’ont pas interdit mais juste averti. Pour moi, c’était ce que je voulais faire.

 

Je suis parti au Lycée Michel Servet à Lille pour une question pratique, géographique et financière où j’ai effectué de nombreux stages pour approfondir mes théories comme auprès de Clément Marot, Grégory Burgeat, Christophe Scherperell à l’Esplanade, Michel Retenauer pour terminer avec Benoît Bernard de la Laiterie à Lambersart en 2004 où j’ai été embauché après l’école. Une aventure qui a duré 10 ans à me consacrer uniquement à la cuisine et à ce restaurant.

 

« Je vise le travail bien fait et la régularité »

 

Le Chef Benoit Bernard a été un modèle pour vous ?

La Laiterie a été le seul restaurant où je me suis formé. Je n’ai pas parcouru comme beaucoup de mes collègues des maisons étoilées pour apprendre. Je l’ai un peu regretté car j’aurai aimé apprendre plus de gestes techniques.

Benoit Bernard a été un modèle pour moi, même un père. Il m’a pris tout de suite sous son aile pour me faire rapidement progresser et grimper dans ce métier.

Grâce à lui, j’ai découvert la sensation de décrocher une étoile mais aussi de la rigueur, la connaissance du produit, la cuisson des produits, le travail en équipe ( Simon Pages (Le Gabbro), Nicolas Rucheton (L’Essentiel), Nicolas Choquet (L’Octopuss), Kader Belfatmi (Le Marcq), Maxence Paris (Chef exécutif au Bon Bon), et aussi en équipe très restreinte.

J’ai tout appris avec lui.

C’est aussi une personne exigeante mais attachante. Je me rappelle qu’il pouvait à un moment, être très expressif en cuisine et cinq minutes après nous remercier pour la qualité du service.

 

En 2006, je suis devenu son second après l’étoile Michelin jusqu’en 2012 où il a décidé de partir pour découvrir d’autres horizons. Je suis devenu à la fois chef de cuisine et directeur général de l’établissement à la revente de La Laiterie.

Après quelques mois, j’ai décidé de partir aussi, je me cherchais dans ma cuisine car je n’avais plus de jugements sur ce que je faisais. Je remettais en question ma manière de cuisiner, de diriger et de voir ma cuisine. Je voulais savoir sur quoi je devais progresser

 

« Avec Benoit Bernard, j’ai découvert la sensation de décrocher une étoile.”

Vous en admirez d’autres ?

Pierre Gagnaire ! Je cuisine un peu comme lui, je pense. Le chef arrive, il ne sait pas trop ce qu’il a envie de faire, les produits sont là, ils sont bons, et le feeling parle. C’est peut-être pour cela que j’aimais, dans Top Chef , l’épreuve de la dernière chance. On avait un seul produit à sublimer et il fallait se dépasser pour continuer.

 

« Top chef a été une thérapie et m’a permis de me recadrer . »

 

A Top Chef, vous avez dit ne pas savoir si vous étiez fait pour la cuisine. C’est toujours le cas aujourd’hui ?

Oui, aujourd’hui, je sais que je suis fait pour cuisiner.

Top Chef a été une thérapie pour moi. Cela a été intense émotionnellement. J’avais besoin que l’on me fasse sortir de mon cadre.
Je me souviens de l’épreuve sur la nacelle à Bruxelles, où je devais produire une entrée, un plat et un dessert pour 6 grands chefs. A la fin, ils m’ont fait des éloges sur ma cuisine et j’ai craqué. Il faut noter qu’à cette époque, je traversai une période difficile pour moi et une perte de confiance en moi, Donc c’était normal que la carapace s’éclate.

J’ai vécu 13 semaines très intenses et cela a été une réussite. Toutes les questions que je me posais, ont eu des réponses.

Cela a été aussi l’occasion de faire plein de belles rencontres que ce soit avec les autres candidats ou avec les chefs comme Philippe Etchebest par exemple.
Dès qu’il est rentré dans la salle au début de l’épreuve, j’ai su qu’il allait se passer quelque chose. Cela a été un moment très fort.

 

 

Et Thierry Marx ?

Il a été le déclencheur sur mon projet pour m’installer à mon compte. En coulisse, après mon élimination, il est venu à moi pour me dire : «Vas-y ! Mets ton enseigne et installe-toi! »
Cette phrase est encore dans ma mémoire.

 

Il a continué à me suivre lorsque j’ai gagné le premier prix de la Bourse de la Création Badoit en 2014. Une Bourse qui soutient les jeunes talents de la restauration. Cela m’a permis d’ouvrir le Rouge Barre en juin 2014 et de m’apporter de l’aide pour devenir, en plus d’un chef en cuisine, un véritable chef d’entreprise, qui gère les fourneaux, mais aussi un business à part entière.

 

Comment vous vient l’inspiration culinaire ?

Cela part d’une feuille blanche où je marque le premier produit que j’ai envie de travailler, ensuite je fonctionne à la mémoire des goûts.
Il faut travailler autour de produits « simples » que l’on vient magnifier par ses justes cuissons et assaisonnements. C’est ce que j’apprends quotidiennement à mon équipe en cuisine.

 

Parlez moi de votre restaurant…

J’ai une très bonne équipe avec moi, elle est au TOP, ils sont prêts à faire l’effort et à bosser, ils sont passionnés et ont aussi une histoire derrière eux, comme moi. C’est sans doute pour cela que nous nous entendons bien.

Je peux être cool avec eux comme je peux « m’énerver » quand on baisse en qualité dans l’assiette ou dans le service.

Quand je vois dans ma cuisine, un légume par exemple, sur le point d’être mal utilisé, je leur dis de se mettre à la place de celui-ci. « Souhaiteriez-vous que l’on vous fasse la même chose ? » C’est un peu poète ce que je dis, mais on doit faire attention à la qualité du produit et surtout à goûter sa cuisine.
Moi, je suis toujours en train de goûter mes plats. D’ailleurs, je ne mange jamais la journée puisque je picore sans cesse tous ce qui sort de la cuisine (rire)

 

« On pourrait pousser encore plus loin notre cuisine pour l’élever. »

 

Pourquoi il y a des problèmes d’embauches dans les métiers de la restauration aujourd’hui ?

Si même Paris est touché, cela devient inquiétant.

Je ne sais pas si c’est un souci d’éducation à la base, moi j’ai toujours vu mes parents bosser comme des « malades ».

Il y aura 3 sur 100 jeunes qui seront bien, il faut les choper ceux-là.

 Moi ici, ils sont en totale liberté, je leur laisse faire beaucoup de choses. Mon sommelier a carte blanche pour le vin, mon pâtissier aussi pour sa carte des desserts, et ils le font très bien.

Il y a 5/6 ans on avait encore les heures défiscalisées et c’était parfait, maintenant, c’est très cher pour moi. Aujourd’hui, ils parlent de les remettre, ce serait une bonne chose pour notre métier. Moi, je rêve de les payer encore plus. Aujourd’hui, non.

 

Avez-vous un plat classique qui vous fait saliver ?

Je pense au gratin dauphinois de mon papa. C’est très simple et très bon à la fois avec de l’ail.
Ma maman aimerait que je le mette à la carte.

 

Vous avez des projets pour l’avenir ?

Voyager avec ma famille dans quelques années et avant d’ouvrir mon restaurant à la campagne.
J’envie Florent Ladeyn. M’installer à la campagne est un rêve.

J’ai même envie de continuer à me former dans de grandes maisons pour apprendre encore plus et aller chercher pourquoi pas une étoile avec un autre chef.
Retourner comme second, ne me dérangerait pas. Mais pas pour le moment, il y a encore de belles choses à faire avant ici au Rouge Barre.

 

Adresse : Restaurant ROUGE BARRE : 50 Rue de la Halle – 59800 Lille
Téléphone : 03 20 67 08 84
Site internet : https://www.rougebarre.fr

©️Sophie Stalnikiewicz

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