“Mon père m’a toujours dit : dans la vie, tu dois exceller. Il faut toujours essayer d’aller plus haut.”
On le surnomme le « Pape de la Gastronomie belge« . Pointure indéniable du monde de la gastronomie belge, « Monsieur » Peter Goossens est aussi l’un des chefs les plus célèbres au monde. D’une extrême simplicité et gentillesse, je l’ai écouté raconter sa passion, sa vie de chef comme si c’était hier qu’il avait commencé cette belle aventure culinaire.
Quelle est votre histoire Mr Goossens ?
Cela fait 32 ans que je suis ici. Ma mère tenait un commerce. Mon père avait son propre commerce également. Ils étaient très occupés alors on avait quelqu’un à la maison qui les aidait à cuisiner. Ma mère avait un niveau d’exigence élevé : tous les jours une entrée, un plat, un dessert. C’est là que j’ai tout appris. J’aimais beaucoup la cuisine. Au départ, mon père ne voulait pas que je fasse l’école hôtelière, il préférait que je fasse d’autres études dans un premier temps pour assurer mes arrières. Ensuite, il a accepté que je fasse l’école hôtelière à Paris et j’ai pu faire mes classes dans des restaurants comme Le Pré Catelan (restaurant gastronomique 1 étoile) et Le Pavillon Elysée Lenôtre (Ndlr : fermé aujourd’hui). J’ai travaillé beaucoup en pâtisserie et on a commencé ici.
« J’aime la méthode de travail des brigades françaises, quasi militaire ! »
Qu’avez-vous appris des cuisines françaises ?
J’ai bien aimé la manière de travailler, quasi militaire. En cuisine, il en faut. J’ai appliqué la même chose ici dans mon restaurant. Il n’y a pas de place pour l’improvisation, pendant un service en tous cas. Il faut des règles.
“ Mon père m’a toujours dit : “dans la vie, tu dois exceller”. Il faut toujours essayer d’aller plus haut.”
Quel est le concept de votre restaurant ?
On ne travaille qu’avec des produits locaux. La mer est à 35 minutes. Si on devait donner un nom à notre style de cuisine, ce serait la “pureté” : on doit goûter le produit. La cuisson doit être parfaite, les sauces doivent être subtiles, les bouillons doivent être fins. Il faut qu’à la fin de la dégustation du plat on ait envie d’en commander un deuxième. Et en ce qui concerne le dressage, nous prônons le minimalisme : pas de superflu, tout ce qui est dans l’assiette doit avoir une fonction.
Avez-vous un plat signature ?
Pas vraiment, cela dépend des saisons. Au printemps, on a les asperges blanches. En hiver, on travaille surtout le chicon(endive) qui est magnifique et qui a du goût. En ce moment, on cuisine du pigeon aux truffes. Ce sont des classiques. La carte change souvent. Bientôt, on ajoutera du gibier, du lièvre exactement. On en fait du civet, du pâté et du râble. C’est la viande la plus fine qui existe, mais il faut le cuisiner très rosé, presque bleu. Quand c’est frais, c’est magnifique. On prépare aussi du perdreau gris sauvage à partir de la mi-septembre. Il faut en profiter sur une période très courte ! Il y a un dicton français qui dit : après le 1er octobre, à la Saint Rémi, le perdreau, devient perdrix. Et c’est vrai, parce qu’au bout de 3 semaines, les pattes jaunes deviennent grises, d’où le mot “perdrix”. Mais tout vient d’ici
« On se doit de bien accueillir les gens et cela commence dès le parking ».
Comment se déroule généralement une de vos journées ?
Je me lève tous les matins à 6h30. Ensuite, j’arrive ici le matin à 8h 8h30. Je repars à 16h. Je reviens à 18h 18h30. Et je repars à 22h. Je ne termine plus à 1 heure du matin comme avant. Je n’ai plus 25 ans non plus.
Qu’est-ce qui vous pousse à vous lever le matin ?
C’est un super beau métier que j’aime énormément. Le jour où je ne serais plus animé par ce “feu”, j’arrêterais. Mais j’ai une chance exceptionnelle. J’habite à cinq minutes. La plupart des gens qui se rendent à leur travail à Bruxelles ou à Anvers prennent l’autoroute. Moi, je traverse de jolis paysages. J’aime travailler les produits bien sûr, mais ce que j’apprécie par dessus tout c’est le côté humain de ce métier. On se doit de bien accueillir les gens et cela commence dès le parking. Il faut les mettre à l’aise, comme à la maison, même s’il s’agit d’un 3 étoiles. Alors, on fait attention aux détails : la nappe est en lin, tout notre mobilier a été fabriqué par un artiste belge, les verres, les lampes. Tout vient de la Belgique.
S’il y avait un mot pour vous définir ?
Mon père m’a toujours dit : “dans la vie, tu dois exceller”. Il faut toujours essayer d’aller plus haut. L’excellence c’est quelque chose que j’enseigne tous les jours à ma brigade. Je gère une brigade de 25 personnes dont 14 personnes en cuisine. On a quelqu’un juste pour le pain, un autre pour les desserts. La seule chose qu’on ne fait pas ce sont les pralines qu’on sert avec le café ! Je suis réputé pour être sévère mais je sais reconnaître le travail bien fait et je le dis à la personne concernée.
“On dit toujours : “derrière chaque grand homme, il y a une grande femme.”
Je serais jamais arrivé jusque là sans ma femme.“
Votre femme travaille avec vous. Sa présence est importante ?
Oui, on a commencé cette aventure à deux. On est une super équipe. Elle s’occupe de la salle, elle motive les équipes, elle est toujours très souriante et accueillante envers les clients. Elle maîtrise l’art de recevoir. On dit toujours : “derrière chaque grand homme, il y a une grande femme.” Je serais jamais arrivé jusque là sans ma femme.
« La médiatisation de la profession a changé la vision de la gastronomie en Belgique et je suis content d’y avoir participé pour cela.»
Est-ce que vous pensez que les chefs d’aujourd’hui, pour se faire connaître, doivent passer par la case médiatisation ?
Moi, j’ai fait de la télévision pendant 8 ans. J’ai notamment participé à l’émission “Mon restaurant”, 32 émissions avec un rythme intense et le gagnant remportait son restaurant. C’est inspiré d’une émission australienne qui s’appelle « My Restaurant Rules« . Mais est-ce qu’il faut le faire nécessairement ? Je ne sais pas. Je suis co-fondateur de la chaîne culinaire NJAM!. Il n’y avait pas encore de chaîne sur la cuisine à la télévision belge. Alors, comme j’avais déjà fait des émissions télé, j’ai été contacté. L’objectif était de montrer la réalité du métier de cuisinier mais aussi de restaurateur, de serveur en salle, etc. Ce fut un énorme succès. Après, j’ai arrêté car les gens en ont eu marre. La médiatisation de la profession a changé la vision de la gastronomie en Belgique et je suis content d’y avoir participé pour cela.
“Le jour où je ne serais plus animé par ce “feu”, j’arrêterais. J’ai une chance exceptionnelle.”
Où puisez-vous votre inspiration culinaire ?
Des saisons mais surtout des produits. J’adore mettre de petites touches japonaises dans ma cuisine, surtout dans les amuse-bouches et les entrées. On travaille les algues, les bouillons, un peu de soja, du yuzu… des petites choses car on est un restaurant belge, pas japonais.
Avez-vous un un chef qui vous inspire, vous fascine ?
J’aimerais bien un jour porter la valise de Monsieur Ducasse. Je trouve que ce qu’il a fait c’est magnifique. Et encore maintenant, il continue à développer de nouveaux concepts, comme sa nouvelle péniche sur la Seine.
Quel est votre plat du quotidien préféré ?
Il y en a plusieurs. Je suis belge. Alors une bonne entrecôte-frites-salade. J’adore la carbonnade, moi je la fais avec des joues de porc, c’est dix fois meilleur qu’avec du bœuf. Je la cuisine avec de la bière brune trappiste et de la moutarde. J’aime aussi les asperges à la flamande avec un œuf mollet. C’est simple et efficace. Mais le plat que je préfère en hiver c’est le lièvre à la royale.
“Aujourd’hui, je ne rêve que d’une chose, très simple : prendre du plaisir à exercer dans mon restaurant pour faire vivre de bons moments à mes clients.”
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour l’avenir ?
J’ai fait de la télé. A un moment, j’ai ouvert plusieurs établissements. Aujourd’hui, je ne rêve que d’une chose, très simple : prendre du plaisir à exercer dans mon restaurant pour faire vivre de bons moments à mes clients.
Adresse : Restaurant gastronomique Hof van Cleve : Riemegemstraat 1 – 9770 Kruishoutem (Belgique)
Téléphone : +32 9 383 58 48
Site internet : www.hofvancleve.com/fr
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Crédit photo : Heikki Verdurme
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