“De 18 à 32 ans, je n’ai pas quitté les étoiles .”
Découvrez l’histoire passionnante de ce chef globe-trotteur aux commandes des fourneaux « La Table » de l’hôtel 5 étoiles « Le Clarance Lille » un bel écrin du 18e siècle niché dans le Vieux-Lille.
Racontez-moi votre parcours ?
J’ai fait une école hôtelière classique dans les Vosges, à Contrexéville, pendant quatre ans : deux ans de BEP et deux ans pour le bac professionnel. A 18 ans, après l’obtention du diplôme, j’ai décidé de rejoindre seul la capitale et j’ai commencé à toquer aux portes.
« Les jeunes ne prennent plus le temps pour construire les bases. »
J’ai eu la chance que mon premier chef, Jean-Louis Nomicos, du célèbre restaurant « Lasserre », me fasse confiance. C’est un restaurant 2 étoiles Michelin réputé pour sa gastronomie classique, proposant une cuisine traditionnelle française.
Le chef m’a donné ma chance et j’ai commencé en tant que commis. J’ai ensuite eu une très belle évolution : au bout d’un an seulement, je suis devenu chef de parti. J’y suis resté quatre ans, ce qui m’a permis de tourner sur chaque poste (viandes, poissons, sauces, garde-manger…) et surtout de consolider mes bases.
C’est un peu le problème maintenant avec les jeunes : beaucoup ne prennent plus le temps de perfectionner leurs bases, si importantes en cuisine. Ils voyagent de maisons en maisons sans prendre le temps d’évoluer dans l’entreprise et de prendre de l’expérience.
A 22 ans, j’ai eu envie de voir autre chose. Pierre Gagnaire a accepté ma candidature au restaurant « Rue Balzac » à Paris. Ce fut une expérience magnifique de deux ans durant lequel j’ai découvert un tout autre style de cuisine. Chaque chef possède sa propre identité.
Ensuite, je suis parti à New-York, dans le restaurant trois étoiles Per Se de Thomas Keller. Ce fût très compliqué !
J’obtiens un essai de 3 jours concluant techniquement. Cependant le Chef m’apprend qu’il serait compliqué de m’embaucher à cause de la barrière de la langue et notre communication en cuisine.
Quelle déception lors de mon retour en France.
La semaine suivante, Thomas Keller m’apprends que j’intègre finalement sa brigade ! Ce fut une explosion de joie, c’était un rêve pour moi ! J’admirais Thomas Keller depuis longtemps.
La seconde galère arrive… l’obtention du visa de travail ! 3 mois d’acharnement administratif.
Originaire de la Napa Valley en Californie, cet homme a fait ses classes en France.
Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands chefs américains et dirige deux restaurants 3 étoiles. L’autre se trouvant à Camp Pendleton en Californie.
J’ai beaucoup appris à ses côtés : aussi bien professionnellement qu’intellectuellement. Je me suis ouvert l’esprit sur de nombreuses choses pendant cette expérience.
L’aventure américaine s’achève au bout de 18 mois : mon permis de travail s’expirant. Je devais rentrer en Europe.
“A Bergen, il pleut 270 jours/an, c’est beaucoup pour un français…”
Je me dirige alors vers Bergen !
Et pourquoi Bergen ?
Un ancien collègue et ami norvégien me demande de le rejoindre quelques mois pour l’ouverture d’un restaurant sur les fjords de la côte. Bergen est la 2ème plus grosse ville de Norvège avec une industrie du poisson extraordinaire.
Finalement j’y passe 3 ans et y rencontre ma femme.
C’était une expérience superbe même si, à Bergen, il pleut 270 jours par an : c’est beaucoup pour un français !
De retour en France avec l’idée d’ouvrir mon restaurant, je remporte le prix Gault et Millau en étant élu Jeune Talent.
Le projet n’aboutissant pas… j’opte pour le défi « Clarance » !
“Lille est un véritable bijou ! C’est une merveille .”
C’est un grand défi : je prends la suite de Nicolas Pourcheresse, qui avait obtenu une étoile.
Je suis tout de suite conquis par ce projet très ambitieux et par cet outil de travail fantastique. C’était comme une évidence !
Je découvre Lille en y passant 3 jours et je tombe toute de suite sous le charme de la ville : Lille est un véritable bijou ! C’est une merveille.
Au bout de 6 mois, nous avons prouvé au Guide Michelin nos ambitions et notre savoir-faire.
Qu’avez-vous retenu du street-food de New York ?
Le street-food est un mélange des cultures en regroupant un ensemble de techniques, de saveurs et de produits différents.
Le partage est pour moi la définition de la cuisine.
Et la cuisine de votre grand-mère ?
Ma grand-mère tenait un bar-restaurant pour routiers, où elle faisait de la choucroute et des tartiflettes. Elle posait cela au milieu de la table et c’était magnifique !
Ces souvenirs de goût et d’odeurs s’additionnent à la passion de ma maman pour les bons plats familiaux.
Tous ces moments de partage déclenchent en moi l’envie d’en faire ma carrière.
Aujourd’hui, je propose à mon tour des plats à partager avec l’ensemble de mes équipes pendant nos repas du personnel.
« J’apprécie également la bonne viande mais j’encourage les gens à découvrir la cuisine de la mer ».
Votre identité culinaire, ce sont les produits de la mer. Y’en a-t-il un que vous préférez cuisiner ?
J’aime cuisiner le poisson et mon expérience norvégienne m’a conforté dans cette idée. Nous étions situé à 200m du port et des fjords.
Les produits que nous travaillions chaque jours étaient tout simplement exceptionnel.
C’est également pour cela que j’apprécie le Nord : avec les deux criées de Boulogne et Dunkerque. La majorité de nos produits sont locaux.
J’apprécie également la bonne viande mais j’encourage les gens à découvrir la cuisine de la mer.
Quel est votre plat signature ?
Nous proposons un bon homard en trois services, qui nous vient directement d’Audresselles. C’est le seul produit qui reste à la carte toute la saison.
Nous changeons les garnitures en fonction des saisons et des disponibilités de nos maraîchers.
Où trouvez-vous votre inspiration culinaire ?
Mon inspiration culinaire me vient en 5 coups de fil. J’appelle mes maraîchers, mes poissonniers et tous les producteurs locaux avec qui je travaille.
Mon menu arrive ensuite en 10 minutes… ou parfois en 4h, selon mon inspiration !
Qu’est-ce qui vous fait peur dans la cuisine ?
Ma peur en cuisine est simple : c’est d’avoir un client déçu, qui n’aime pas cuisine… Quelle frustration ! D’ailleurs, je vais vous livrer un secret, je me faufile régulièrement pour observer la réaction des clients dans un coin de la salle.
Parlons maintenant « étoiles », c’est un objectif quand on devient chef ?
« De 18 ans à 32 ans, je n’ai pas quitté les étoiles »
Mes objectifs premiers sont de satisfaire les clients, de prendre du plaisir et d’évoluer au quotidien. Effectivement, obtenir une étoile Michelin a toujours été dans un coin de mon esprit. Avec le temps, l’étoile arrive et rend heureux toute une équipe qui est récompensée pour son travail.
Comme je vous l’ai dit, j’ai toujours évolué dans des restaurants étoilés. Une étoile n’est pas un aboutissement car il faut toujours garder le niveau. J’ai toujours cette envie d’évoluer, d’être meilleur chaque jour. Ce métier demande beaucoup d’exigence. Certains ne sont pas étoilés et font aussi de très belles choses, c’est un métier où il faut se dépasser. Sinon, on stagne et on régresse.
Pensez-vous que la médiatisation dans votre métier soit importante ?
La presse écrite est importante en gastronomie surtout quand les articles sont bien rédigés. Il ne faut pas se le cacher, un bel article peut remplir un restaurant.
C’est aussi une bonne chose que certains chefs participent à des émissions télévisées : cela peut donner l’envie à d’autres de devenir cuisinier. Ensuite, la réalité est tout autre : la vie dans une cuisine n’est pas toujours comme à la télé. La cuisine est un métier, ce n’est pas seulement une passion. Il peut y avoir des désillusions.
Qui cuisine à la maison ?
Cela dépend, si nous voulons manger norvégien ou français ! [rire] Le dimanche soir, nous cuisinons ensemble, souvent des plats asiatique. Nous adorons cet esprit culinaire.
« Aujourd’hui, je suis fier de ne rien avoir lâché »
Des objectifs pour l’avenir ?
Comme précédemment évoqué, je souhaite garder mon niveau d’exigence et ma proximité avec les équipes.
Je suis très attentif à l’ambiance qui règne dans ma cuisine : il ne faut pas oublier que nous passons plus de temps ici que dans notre maison, alors j’y mets un certain enthousiasme.
Adresse : Clarance Hôtel ***** Restaurant gastronomique La Table : 32 rue de la Barre – 59000 Lille
Téléphone : 03 59 36 35 59
Site internet : www.clarancehotel.com/fr
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